1) Bonjour Raphaël et Savitri, pouvez-vous décrire la manière dont vous vous êtes rencontrés ? Avez-vous fait une formation audiovisuelle ou une école de cinéma ? Si non, comment avez-vous atteint un tel niveau en VFX ?
Nous sommes originaires de la même ville (Gap dans les Hautes-Alpes) et partagions la même passion. On a commencé à faire des petits films ensemble pour s’amuser et petit à petit c’est devenu sérieux.
Nous sommes avant tout des autodidactes. Depuis des années, nous faisons des films dans notre garage et nous avons développé des techniques pour faire nos propres VFX. Peut-être que si nos VFX tiennent la route, c’est parce qu’ils sont travaillés avec notre vision de réalisateur et qu’au-delà de l’aspect technique, on essaye de leur donner une dimension artistique et organique…
2) Vous avez travaillé pour de grandes entreprises telles que Samsung, LG et Ubisoft. Comment avez-vous réussi à intéresser la haute sphère aussi rapidement ?
Nous sommes des réalisateurs très visuels. En plus de la mise en scène, nous apportons une véritable direction artistique. Donc forcément, c’est séduisant pour les marques.
3) Le concept de votre pseudonyme vient d’une fusion de vos deux personnalités en un seul personnage fictif. Est-ce que vous développerez l’idée plus tard dans un de vos films ou ce n’est pas du tout dans vos ambitions ?
Nous développons aujourd’hui un long métrage qui porte le nom d’ICKERMAN… donc ça répond en partie à votre question.
4) Tout a débuté avec votre film « Kaydara » mettant en scène un chasseur de prime ayant pour mission de tuer Neo dans Matrix. Quelles ont été vos motivations pour travailler 6 années sur un tel projet ?
Erreur de jeunesse… ^^
Nous sommes assez têtus et nous voulons toujours aller au bout de nos projets. Sur Kaydara, nous avions très mal estimé la difficulté de faire un tel film. Au final, ça a été une expérience très formatrice, mais dans laquelle nous nous sommes un peu enfermés malgré nous.
Même si Kaydara est un film complétement dépassé, nous le regardons aujourd’hui avec une certaine nostalgie. Peu importe le résultat final, l’expérience humaine valait le coup et on vous invite à regarder le making-of de 2 heures disponible sur Internet pour en avoir un aperçu. A notre avis, ce making-of est plus intéressant que le film lui-même.
5) Quand on regarde le teaser de « Ickerman », on ressent une grande influence de Blade Runner, Le cinquième élément mais aussi une touche de Drive. Que pensez-vous des pointures telles que Ridley Scott, Nicolas Winding Refn et forcément Luc Besson ?
Ces trois cinéastes ont fait de très bons films… voir pour certains des chefs-d’œuvre… Le côté réalisateur avec une vision nous parle forcément.
Quand on fait de la science-fiction aujourd’hui, on peut difficilement passer à côté de grands classiques comme « Blade Runner », « Rencontres du troisième type », « 2001 l’odyssée de l’espace », « Alien », etc. Pour autant, nous pensons avoir digéré ces films et nous les oublions quand nous faisons les nôtres. Enfants des années 80, nous retrouvons naturellement cet héritage cinématographique dans notre travail, mais notre ambition est de le faire fructifier pour explorer de nouvelles voies et de créer des univers inédits.
6) Envisagez-vous de démarcher les productions anglo-saxonnes et/ou hollywoodiennes (que ce soit via les festivals ou des propositions de projets) ? Seriez-vous prêt à faire carrière outre-Atlantique si l’occasion se présente ?
Pour l’instant, nous essayons de trouver un équilibre entre notre ambition et la réalité de la production d’un film. Notre but n’est pas de faire des films pour faire des films. On a besoin d’y trouver un intérêt artistique. En essayant aujourd’hui de monter nos propres projets, on gagne une certaine liberté…
Nous préférons créer un courant en amorçant nous-même les projets pour inciter les productions à nous suivre… un peu comme nous le faisons aujourd’hui avec Blood Machines… Nous avons nos propres projets en tête et ce sont eux que nous voulons réaliser en priorité.
7) Aujourd’hui, le marché du cinéma français ne laisse quasiment aucune place aux styles comme le vôtre. Des cinéastes pourtant excellents comme Alexandre Aja, Grégory Levasseur, etc. disent être mal considérés en France alors qu’ils sont appréciés outre-Manche et outre-Atlantique. Que pensez-vous de cette situation ?
Ça ne nous inquiète pas vraiment…. C’est difficile, mais nous pensons qu’une nouvelle génération peut voir le jour.
De notre côté, en tant que « faiseurs », nous construisons nos projets sans demander au système une aide colossale. De cette manière, nous espérons aller au bout de nos ambitions à force de travail. C’est en faisant exister des projets que nous pourrons apporter une nouvelle couleur au cinéma français.
8) Venons-en à l’aventure « Turbo Killer », comment est né le projet ? De manière plus technique, comment avez-vous réussi à vous entourer d’une équipe technique aussi complète pour un résultat final aussi époustouflant ?
Nous aimions la musique de Carpenter Brut et nous avions utilisé l’une de ses partitions dans l’un de nos projets. Après ça, il s’est intéressé à notre travail et nous a proposé de faire un clip.
Le budget n’était pas fou, mais on avait l’envie… Nous avons alors développé un script qui était comme d’ habitude trop ambitieux et avons supporté toute la post-prod sans aucune aide.
L’équipe technique était ultra-réduite et n’était là que pour le tournage (réalisé essentiellement en fond vert).
9) Vous sentez-vous proche du style musical Synthwave ?
Parenthèse : On aime Carpenter Brut car on sent dans sa musique une véritable identité. Il fait de véritables mélodies, ça raconte quelque chose… puis, en concert, il y a de vraies personnes avec de vrais instruments, pas seulement un Mac qui lit des pistes préenregistrées… C’est organique, vivant et personnel…
Pour répondre plus concrètement à la question, nous sommes forcément sensibles à ce courant à travers le sentiment nostalgique qu’il nous procure. Pour autant, au-delà des sonorités très caractéristiques de la Synthwave, nous attendons que la musique nous raconte quelque chose, qu’elle ne soit pas qu’une pâle copie de morceaux de l’époque… Aussi, de manière générale, on aime aller directement à la source et se réécouter les BO d’époque comme celle de Blade Runner qui reste aujourd’hui l’une des meilleures de tous les temps.
10) En tant que spectateurs, vous menez les effets spéciaux à la pointe et réussissez formidablement bien à nous nourrir de ce spectacle visuel. Pensez-vous rester dans cette lignée de science-fiction ou est-ce possible que vous changiez de registre pour d’autres films avec une direction d’acteurs plus “profonde” et plus organique ?
Nous ne sommes pas d’accords avec l’idée que la direction d’acteurs serait plus « profonde » et plus organique dans un film classique que dans un film de « science-fiction ».
La prestation de Rutger Hauer dans Blade Runner (encore lui) est fantastique.
Nous adorons les acteurs et nous avons bien l’intention de les mettre au centre de nos futurs projets. Pour nous, la science-fiction est un genre qui nous permet d’aborder des thèmes d’ordre philosophique. Au-delà de ça, ce qui nous intéresse c’est de raconter des histoires humaines et quelques effets spéciaux à l’image ne nous empêcheront pas de le faire.
11) Toujours avec Carpenter Brut au clavier et en parallèle de votre projet de long-métrage, vous êtes dans la création de la suite de « Turbo Killer » que vous avez nommé « Blood Machine ». Où en êtes-vous au moment T sur ce long clip qui fera plus de 30min ?
Nous définirions Blood Machines comme un film classique, mais ponctué de plusieurs passages musicaux… un mélange entre les clips de Michael Jackson comme « Bad », « Thriller », « Captain EO », et des films comme « The Wall », « Interstella 5555 », etc.
Au niveau de l’avancée du projet, il y a deux grands chantiers en ce moment : la production pure et la création artistique.
Concrètement, nous recherchons d’autres partenaires pour boucler notre budget et finissons parallèlement la réalisation de l’animatique du film (une sorte de story-board animé en 3D de la totalité du métrage).
12) Sur Kickstarter vous en êtes à un peu plus de 185000€ avec plus de 3000 contributeurs pour soutenir votre projet « Blood Machines ». Une belle somme mais avez-vous besoin d’encore plus pour le réaliser ?
La campagne Kickstarter est terminée, mais nous avons toujours une page active pour les gens qui voudraient encore soutenir le projet :
https://bloodmachines.com/index.php/donate/
Blood Machines est un projet énorme qui dans un cadre normal serait difficile à monter. Aussi, notre objectif est de trouver un équilibre avec notre esprit « film de garage » et le monde professionnel classique. Nous allons faire le film quoi qu’il arrive (on est déjà en train de le faire), mais il est clair que Kickstarter ne constituera au final qu’une partie du financement total.
13) Quelques mots sur notre tout jeune site « Retro Synthwave » qui s’intéresse à la musique Synthwave, au design 80, aux jeux rétros mais aussi à de grands talents du cinéma comme vous ?
Nombre de blogueurs, journalistes, producteurs, réalisateurs, techniciens, etc. qui étaient pour certains des enfants comme nous dans les années 80, partagent une même nostalgie pour ces univers éclairés aux néons et contribuent aujourd’hui à leurs donner une nouvelle jeunesse. Nous nous en réjouissons.
Félicitation pour votre jeune site qui fait partie de ce mouvement et qui traite le « Retro » avec passion.